A l’entrée du pays Vannetais, se dressent, au milieu des bois, deux tours, vestiges de l’architecture militaire des 14ème et 15ème siècles.
Le château d’Elven, ancien chef-lieu du Comté de Largoët, fut la propriété des Derrien au début du 13ème siècle avant de passer, par alliance, aux mains des Malestroit en 1237 puis à celles des Rieux en 1463. Vendu en 1656 au célèbre surintendant Fouquet, sa veuve, Madeleine de Castille, le céda en 1686 à Monsieur de Tremereuc, Conseiller au Parlement de Bretagne. Il s’est ensuite transmis par alliance de génération en génération au sein de la même lignée familiale.
Victime de la « guerre folle » entre Français et Bretons vers la fin du 15ème siècle, le château de Largoët fut la proie des flammes. Son propriétaire de l’époque, le Maréchal Jean de Rieux, avait pris le parti de la Duchesse Anne, future Reine de France. Pour le remercier de sa fidélité, l’épouse du roi Charles VIII lui permit de reconstruire Largoët en 1494. Ses armoiries – un cheval à tête de sanglier et à langue de loup - ornent la poterne du châtelet. La forteresse fut alors abandonnée sans explication aux ravages du temps. Seules les maigres subventions de l’Etat et les revenus des visites subviennent péniblement aux projets de restauration.
Passé la maison du gardien (4), ornée d’insolites statues de lapins rappelant l’activité favorite du Maréchal de Rieux, la chasse au lièvre, nous parcourons les 700 mètres de forêt qui nous séparent des ruines de Largoët. Le tableau qui s’offre à nous est alors d’une beauté ensorcelante. Rongés par le lierre, on distingue sur notre gauche les vestiges d’une ancienne chapelle. Seul subsiste un pan de mur et sa fenêtre gothique qui, frappée des timides rayons du soleil, vante l’étrangeté de sa croix basque !
Devant l’enceinte, face au pont-levis surmonté du blason des Rieux, nous admirons les deux tours et sommes frappés par l’ampleur des fossés qui entourent le château sur 20 mètres de largeur. A l’Ouest, la tour la plus récente, restaurée en 1905 par l’architecte Jobbe-Duval, sert d’abri de chasse à l’actuel propriétaire. Elle ne se visite pas.
De l’autre côté de la cour, l’imposant donjon dont les lézardes signalées en 1660 font l’objet d’une surveillance constante s’élève à 57 mètres au-dessus des douves, lui conférant le titre de plus haut donjon de France. Il faut alors braver l’obscurité d’un couloir de 10 mètres pour y pénétrer. Dans l’épaisseur, se cache le grand escalier à vis de 177 marches en pierre qui dessert tous les étages. La lumière du jour se fraye difficilement un passage dans les ouvertures et baigne les murs recouverts de mousse d’une étrange lueur verdâtre. Les planchers ayant disparu depuis fort longtemps, on lève la tête pour embrasser d’un seul coup d’œil l’enchevêtrement des 7 niveaux de formes octogonales, hexagonales et carrées. Quel drôle d’empilement qui défie les lois de l’architecture ! Nichés dans les anciennes cheminées disposées à chaque étage, quelques pigeons semblent y trouver le calme.
Déconseillés aux personnages âgées et interdits aux enfants non accompagnés, les escaliers nous entraînent dans une folle exploration, passant de chambre en chambre, de coin en recoin, tant et si bien qu’on se retrouve vite isolés des autres visiteurs. Au détour d’un couloir, nous pénétrons dans une petite pièce voûtée qui semble être une ancienne cellule, d’après la lucarne grillagée qui orne la lourde porte en bois cloutée.
Devant l’étroite fenêtre, une plaquette commémorative, à moitié brisée, attire notre attention. Nos doigts glissent le long des lettres sculptées pour nous révéler l’identité du détenu : « Le Comte de Richemont Roy d’Angleterre sous le nom de Henry VII a été prisonnier ici en 1474 ». Sont-ce les restes de son lit que l’on distingue dans la pénombre ? Les traces de son passage qui dura 18 mois ressuscitent sa présence, le temps d’un frisson...
Mais aucun fantôme recensé. L’hôte de cette prison n’y est pas mort puisqu’il est monté sur le trône d’Angleterre en 1485, à l’issue de la guerre des deux roses, 10 ans après son emprisonnement à Largöet. Mais l’ambiance oppressante de la captivité y est bien présente !
Après un tour de l’étang avoisinant, nous nous hâtons de laisser Largoët à son crépuscule car, d’après le gardien, il n’est pas très prudent de rester ici la nuit. Entre onze heures et minuit, les spectres des anciens hôtes de la forteresse festoient dans le donjon. Et aux dires de certains, même les douves abritent le fantôme d’un estropié, à l’œil gauche pendant...
Lieu gothique par excellence, on imagine facilement ce que pourrait en faire Simon Marsden sous l’œil fantasmagorique de son appareil photo. Un dernier conseil : ne pas hésiter à solliciter le gardien pour obtenir quelques anecdotes. Non mentionnées dans le petit guide de visite, elles aiguiseront votre sens de l’observation.
La journée touche à sa fin. Il est temps de regagner notre lieu de résidence à la Trinité-sur-Mer où nous attendent les mégalithes de Carnac...